samedi 17 avril 2010

LE PÊCHEUR DE FEUILLES


Un brave pêcheur, père de famille, avait bien du mal à nourrir ses cinq enfants. Jamais la pêche n'était vraiment abondante et il arriva même un moment où il resta dix jours sans pêcher un seul poisson.

-"Tout cela est très injuste, disaient les gens du village, c'est un homme très travailleur et il connaît son métier mieux que personne."

On le plaignait beaucoup, mais comme tout le monde était pauvre, personne ne pouvait lui venir en aide. Mais cet homme était tenace, et il aimait la mer. Il espérait toujours qu'elle finirait par se montrer généreuse avec lui.

Un jour que le Roi passait par là, il entendit les pleurs des enfants qui criaient famine. Il se renseigna. On lui dit combien le pêcheur était méritant, combien il jouait de malchance, et ce Roi, riche et bon, décida de l'aider.

-"Je veux faire quelque chose pour te venir en aide, mais je veux que tu restes pêcheur. Tu vas continuer ton métier et à chaque fois que tu prendras quelque chose dans tes filets, tu viendras le déposer sur le plateau de ma balance. Dans l'autre plateau, je mettrai le même poids en sequins d'or. Et cet or sera pour toi."

Plein d'espoir et de courage, le pêcheur reprit la mer. Les jours passèrent. Des jours et des nuits à ramer, sans une minute de repos, à lancer son filet et à le ramener sans qu'il vît l'ombre d'un poisson.

-"Je suis maudit ! Se lamentait-il, nous allons tous mourir de faim."

Epuisé, il rentra au port. Mais avant d'amarrer sa barque, il lança une dernière fois son filet. Quand il le retira, il n'y trouva qu'une feuille de chêne déjà bien abîmée par l'eau de mer. Il allait la jeter quand un de ses camarades lui dit :

-"Tu devrais la porter au Roi"

-"Mais, il va croire que je me moque de lui !"

-"Non. C'est un bon Roi, de plus il ne t'a pas dit de lui apporter du poisson mais tout ce que ton filet te ramènera."

Le pêcheur était tellement désespéré qu'il prit le chemin du palais royal. Lorsque le Roi le vit arriver avec sa prise, il se mit à rire.

-"Mon pauvre ami, cette feuille est si légère qu'elle ne fera pas bouger d'un cheveu le fléau de ma balance. Mais, puisque tu es venu, tentons l'expérience."

Le pêcheur posa la feuille sur le plateau. Elle tomba comme si on l'eût chargée de plomb. Le trésorier du Roi commença à poser des sequins d'or sur le plateau. Il en fallut soixante pour faire monter le plateau où se trouvait la feuille.

Le pêcheur s'en alla avec l'or et le Roi garda la feuille. Tous les savants du royaume examinèrent cette feuille si étrange et furent bien obligés d'admettre que cette feuille n'avait d'autre particularité que son poids. Le pêcheur fut soupçonné de magie, mais les juges déclarèrent qu'il était beaucoup trop naïf pour être magicien.

Le pêcheur ne comprenait pas, il ne pouvait pas savoir, il n'avait pas assez de mémoire pour se souvenir des moindres détails de sa vie d'enfant.

Pourtant, c'était dans sa plus tendre enfance que dormait le secret de cette feuille. Le pêcheur avait alors trois ou quatre ans, lorsqu'un laboureur, voisin de son père avait déraciné et jeté un jeune chêne né en bordure de son champ. L'enfant avait ramassé ce tout petit arbre et l'avait planté dans un endroit où personne ne cultivait le sol.
Reconnaissant, le chêne, qui avait grandi en toute liberté, avait saisi cette occasion pour remercier celui à qui il devait la vie.

Et sans doute parce qu'il détenait le pouvoir de conjurer le mauvais sort, il s'arrangea pour que le pêcheur ne ressorte plus jamais de la mer.....un filet vide.

mardi 13 avril 2010

LE DENOMME HOMME

En ces temps là, le taureau vivait loin des hommes, avec les bêtes sauvages. Il entendait souvent parler de cet animal inconnu .... l' Homme

- "Il est très fort" dit le lapin.

- " Il est très rusé" dit le renard.

- " Il est très puissant " sifflait le serpent.

Le taureau voulait en savoir plus, mais toutes les descriptions que l'on donnait de l'homme étaient toutes différentes.
Certains disaient que l'homme était blanc, d'autres noir, d'autres brun ou disaient également qu'il était bleu, rouge ou jaune car bien entendu aucune bête ne connaissait les vêtements.

Le taureau décide donc d'aller voir par lui-même.

-"Quand je l'aurai vu, je le provoquerai en duel pour savoir s'il est aussi rusé et puissant que l'on dit."

Il aiguise ses cornes, et part à la recherche de l'homme. Il voit bientôt un vieillard appuyé sur un bâton.

-"Quelle bête bizarre, à trois pattes !! Serait-ce donc lui que je cherche ? Il n'a pas l'air très fort ! C'est peut-être une ruse. MEUHHH!!! Es-tu le dénommé homme ?"

-"Non, je ne le suis plus !" sourit l'homme.

Un peu plus loin, il croise une très vieille femme toute courbée par l'âge.

-"Es-tu le dénommé homme ?"

-"Non, je suis sa mère." répond la vieille.

Alors, il voit un enfant venir dans sa direction.

-"Meuhh !!! Es-tu le dénommé homme ?"

-"Pas encore, je le serai un jour." répond l'enfant. Et il se sauve en courant.

-"Quel animal compliqué que cet homme !!! pense le taureau, les papillons sont d'abord chenilles et cocons. Les grenouilles sont têtards, mais du moins on ne les considère pas comme les plus forts et les plus rusés parmi nous."

Le pas rapide d'un chasseur tire le taureau de sa rêverie.

-"Le premier rencontré avait trois jambes, celui-ci a trois bras."

-"Meuhh!!! Es-tu le dénommé homme ?"

-"Lui-même" répond le chasseur.

-"Ravi de te rencontrer, je te croyais plus grand et plus imposant!! Je suis venu te voir. Peux-tu un peu me montrer ta force ?"

-"Volontiers"

Le chasseur épaule son fusil, et tire une volée de plomb dans les narines du taureau.

-"MEUHH !!!!"

Et le taureau s'enfuit à toute allure dans la forêt.

Les oiseaux, toujours serviables, enlèvent les plombs. Dame vache, lui met des compresses, ses blessures guérissent. Le taureau se rend à l'assemblée des animaux.

-" Alors ? Il paraît que tu as rencontré le dénommé homme? Avons-nous exagéré sa force ?" demandent le lapin, le renard et le serpent.

-"Oh non ! bien au contraire, il a failli me transformer en passoire rien qu'en éternuant !" dit le taureau