dimanche 24 octobre 2010

COMMENT RATER LA SOUPE A LA CREVETTE


Il était une fois, un jeune homme assis au bord de la rivière, les pieds dans l'eau. Il aiguisait tranquillement ses couteaux.

Sous ses pieds, une crevette commençait à s'énerver.

- Je vais lui apprendre à remuer ses grosses pattes dans mon domaine à celui-là !

Et elle lui mordit le mollet.

- Ouille !! Ouille !! Fit l'homme en se levant vivement.

Et irrité par la morsure, il fit avec son couteau, une grande balafre dans l'arbre voisin.

-Non mais, faut pas se gêner !! Protesta l'arbre indigné.

Et de fureur, il lâcha un fruit gros comme un melon. Un coq, qui avait la mauvaise idée de se promener par là, prit le projectile sur la tête.

- Quoi ? Quoi ? Qu'est-ce que c'est que ça ? Fit-il vexé comme un pou.

Et pour se passer les nerfs, il laboura sauvagement une fourmilière.

- Voilà ! Voilà ! S'exclamèrent les fourmis exaspérées. On se tue au travail, et le premier étourdi qui passe nous casse tout !

Du coup, elles piquèrent méchamment l'étourdi suivant : Un serpent qui rampait sans rien demander à personne.

- çççççççççà ! Cccccccccc'est méchant !!! Siffla le serpent.

Et il mordit, pour se venger, un sanglier qui trottait dans les parages.

- Allons bon ! Je ne lui ai rien fait à celui-ci ! Dit le sanglier, scandalisé.

Mais, allez donc discuter avec un serpent qui ne sait que siffler. Et vlan ! Et vlan ! Le sanglier passa sa mauvaise humeur en fonçant tête en avant sur un bananier. Une chauve-souris qui dormait sous les larges feuilles, faillit tomber par terre : son nid s'était effondré !

- Vengeance ! Vengeance ! Piailla la bestiole en voletant, affolée par la lumière.

Mais, comme elle n'y voyait rien du tout, elle alla se cogner dans l'oreille d'un éléphant et le mordit sauvagement.

- Tonnerre de tonnerre !! Trompéta l'éléphant en secouant les oreilles

Et il donna un grand coup de pied dans un mortier de pierre, qui servait à piler le riz. Le mortier dégringola toute la colline et défonça à moitié la maison d'une vieille dame qui faisait tranquillement la sieste. Les vieilles dames n'aiment pas qu'on leur marche sur les pieds, et encore moins qu'on les tire de leurs rêves en cassant leur maison. Celle-ci n'était pas du genre à se laisser faire.

- Toi !! Tu vas me payer les réparations !!! Hurla-t-elle au mortier, furieuse.

- Certainement pas ! Répondit-il. Je n'y suis pour rien dans tout ça, c'est l'éléphant qui m'a poussé !

La vieille dame, qui n'avait pas froid aux yeux, alla se planter devant le nez (fort grand, comme vous le savez) de l'éléphant.

- Toi ! Le pachyderme ! Tu vas payer les dégâts que tu as causés !

- Tonnerre de tonnerre ! Il ne manquerait plus que ça !! Barrit l'animal. Adressez-vous à la chauve-souris, c'est de sa faute !

- C'est pas ma faute ! C'est pas ma faute ! Piailla la bestiole. C'est ce maudit bananier qui a jeté mon nid et mes petits!

Le pauvre bananier était lui-même par terre.

- Regardez-moi, dit-il à la vieille dame d'un air pitoyable. Je suis le premier, victime du sanglier qui m'a secoué !

La vieille dame, plus décidée que jamais, retrouva le sanglier.

-Espèce de brute ! Tu vas payer ma maison qui est cassée à cause de toi !

- Ah non ! Dit le sanglier. Pas question ! Le serpent m'a mordu alors que je n'avais rien fait ! C'est lui qui doit payer !

La vieille dame prit un bâton fourchu, et coinça le serpent au sol.

- Je te tiens, sale bête, tu vas payer pour ce que tu as fait !

- Au ssssssssssecours ! Ccccccccccc'est pas moi ! Siffla le serpent. Cccccc'est les fourmis qui m'ont piqué !

Les fourmis travaillaient dur à rebâtir leur fourmilière.

- D'accord, dirent-elles à la vieille dame, pour le serpent, nous n'aurions pas dû. Mais cet imbécile de coq nous à mises hors de nous en cassant tout ici ! C'est lui le responsable !

- Toi ! Dit la vieille dame au coq, fini de chanter, tu vas payer !!!

- Quoi ? Quoi ? Quoi ? Hoqueta le coq, offensé. Et cet arbre, là, qui m'a assommé avec son fruit, il ne payera pas ? LUI ??

- Alors ? Qu'as-tu à dire, toi ? demanda la vieille dame à l'arbre.

- Moi, je dis qu'un petit coup sur la tête est vite passé ! Répondit l'arbre furieux. Je dis que moi, je suis défiguré pour la vie par cette balafre ! Je dis, que cet homme qui me l'a faite sans aucune raison, on ne lui demande rien ! Et je dis que c'est scandaleux ! Voilà !

- Ah ! Ah ! fit la dame très intéressée.

Et elle fit quelques pas vers l'homme qui aiguisait ses couteaux au bord de l'eau et vit que c'était son fils.

- Mon garçon, lui dit-elle, que tu le veuilles ou non, à cause de toi, ma maison est cassée et tu vas la réparer !

- Je ferai comme tu voudras, chère mère, dit l'homme. Mais pas avant d'avoir puni cette crevette qui a tout déclenché !

La crevette, qui nageait près du bord, entendit ces paroles. Elle regarda autours d'elle : il n'y avait pas d'autre crevette dans les environs. Elle se sentit mal à l'aise....

La vieille dame, le mortier, l'éléphant, la chauve-souris, le bananier, le sanglier, le serpent, les fourmis, le coq, l'arbre et l'homme, tous la regardaient d'un air plutôt mécontent.

- Tu as mérité la mort ! Lui dirent-ils. Choisis : Veux-tu mourir à l'eau froide ou à l'eau bouillante !

- Froide ! Fit-elle.

Et ploufff !!! Elle alla se cacher au fond de la rivière en répétant tout bas :

- Ils ne m'auront pas !!!

Mais l'éléphant allongea sa trompe et assécha d'un coup la rivière. Alors, ceux qui voulaient se venger, attrapèrent la crevette et la donnèrent à un crapaud de leur connaissance, un vrai cordon- bleu.

- Fais nous une bonne soupe à la crevette, et nous la mangerons tous ensemble ! Lui dirent-ils.

Le crapaud s'affaira, puis appela tout le monde pour manger. Mais, les convives au bout d'un moment, se regardèrent.

- Ceci n'est pas une soupe à la crevette ! Dirent-ils, c'est une soupe à l'eau !!!


Le crapaud confus, se mit à baver abondamment tout en bafouillant:

- Ch'est à dire,Ch'ai voulu chouter la choupe et ch'ai avalé la chlevette par acchident ! Che shuis décholé !!!!

Mais les autres ne l'entendaient pas de cette oreille et, furieux, ils pincèrent chacun leur tour le dos du crapaud, avant de rentrer chez eux.

L'homme reconstruisit la maison de la vieille dame, et tout s'arrangea pour tout le monde, sauf pour la crevette et le crapaud, qui, depuis ce jour, a plein de vilaines verrues sur le dos !!!








jeudi 7 octobre 2010

LES HABITS DE MOTS

Dans un pays nordique naquit un jour une fillette frileuse. On l'appela Lia. Elle avait toujours froid aux pieds, aux mains à la tête et au coeur.

Vers sa sixième année, ses parents décidèrent, pour une raison n'ayant rien à voir avec elle, de s'installer dans une contrée plus chaude. Lia n'eut plus les mains, les pieds et la tête glacés. Mais frileuse du coeur elle resta.

Un jour, où elle relevait comme à l'ordinaire le courrier de la boîte à lettre familiale, elle eut en main une enveloppe à son nom. Pas d'adresse, pas de nom de famille, ni d'indication d'expéditeur au dos, seulement son prénom de trois lettres, en gros caractères. Elle ne savait qui diable pouvait bien lui écrire mais elle s'attendait tout au moins à une lettre, une carte ou un poème, enfin, à des mots écrits sous une forme ou une autre...

Mais non !! La feuille dépliée ne révélait que deux traits tracés hâtivement au pinceau noir. Quelle déception ! Car Lia, qui n'entendait surtout que la partie la plus rugueuse de sa langue maternelle, à savoir les "Dépêche-toi !!", "Encore tes bêtises !!" et "Quelle maladroite !" caressait une idée folle : si nul mot doux ne parvenait à ses oreilles pourtant fines et attentives, c'était peut-être que les mots doux s'écrivaient plutôt, préféraient se nicher au creux des pages.

Elle avait donc appris très vite à lire. Les fillettes qui évoluaient dans les livres lui paraissaient plus gâtées qu'elle. Alors, Lia s'était exercée à l'immobilité et a l'absence de relief. Elle avait essayé de se rendre aussi plate et figée qu'une image, mais sans grand résultat.

Et voilà que maintenant elle détenait ce courrier mystérieux. Mais, cette feuille là parlait chinois, hébreux, latin ou grec....

Lia se souvint que la maîtresse leur avait parlé de calligraphie chinoise le mois précédent. Elle regarda attentivement les échappées d'encre soufflées et tenta de mimer les gestes supposés les avoir déposé.

Après plusieurs essais, sa main prit une sorte d'élan. Alors, Lia retourna la feuille et se mit à écrire des mots.

Des mots de toutes les couleurs et de différents timbres.
Des mots sérieux ou blagueurs.
Des mots gravissant des collines et dévalant des pentes.
Des mots qui se reposaient à l'ombre des bosquets.
Des mots qui s'éclaboussaient à l'eau glacée des ruisseaux.

Des mots à elle et à tout le monde.

A ce rythme, la page fut vite remplie. Quand Lia relut ses phrases, elle se mit à sourire en pensant qu'elle avait finalement bien reçu une lettre de mots doux à elle adressés.

Et de ce jour, Lia n'eut plus jamais froid, puisqu'elle savait, entre lecture et écriture, s'habiller de mots.....

vendredi 1 octobre 2010

LE LIEVRE ET LE JAGUAR

Un matin, Petit Lièvre découvre une clairière où il fait bon vivre : l'eau coule limpide, et les fleurs sont belles. Il décide d'y construire sa maison. Il se met si bien au travail, qu'au soir, la charpente est prête.Puis, il rentre à son terrier provisoire.

Pendant la nuit, Gros Jaguar vient à passer.

- Oh ! une cabane abandonnée, je vais faire des briques pour la finir.

Il se met à fabriquer des briques, si bien qu'à l'aube, toutes ses briques sont prêtes. Ensuite, il retourne se coucher dans sa caverne.

Au matin, Petit Lièvre arrive.

- Tiens, je ne me souviens pas d'avoir moulé des briques.

Tout content, il les fait cuire puis assemble les murs. Arrive le soir, seul le toit manque. Il part se reposer dans son terrier. Gros Jaguar arrive....

- Ben ça alors, je ne me souviens pas d'avoir monté les murs.... je suis vraiment trop fort.

Tout content de lui, il construit le toit et repart se reposer dans sa caverne pour y dormir. Au matin, Petit Lièvre arrive et tout étonné regarde le toit.

- Je suis sûr qu'il me restait le toit à faire.... Je n'ai vraiment pas de mémoire. Donc faisons les volets et la porte.

Il peint la maison et s'installe. Le soir Gros Jaguar arrive avec ses meubles et voit Petit Lièvre qui accroche des rideaux.

- Dis donc, que fais-tu là ?

- Je m'installe, il me manque une descente de lit, tu ne trouves pas ?

- Je trouve que tu as un sacré culot de t'installe chez moi. grogne Gros jaguar.

- TA maison ???? Mais c'est MA maison !!!! Je l'ai construite en 3 jours.

- 3 jours ??? Mais c'est moi qui l'ai construite en 2 nuits.

Alors, ils comprennent qu'ils l'ont construite tous les deux.

- Dans ce cas, nous allons l'habiter ensemble, d'autant, que tu dors la nuit et moi le jour. Soyons amis !

Gros jaguar se dit :

- Mon voisin est bien dodu ! Si un jour je ne rapporte rien de la chasse, j'aurais toujours un bon déjeuner !

Petit Lièvre lit dans la pensée de son soi-disant "ami". Le matin, Gros Jaguar se couche et Petit Lièvre va acheter des carottes.

- Il paraît que tu as déménagé? Et tu ne pends pas la crémaillère ? demande Tamanoir.

- Je voudrais bien, mais je ne suis pas seul chez moi.

Et il raconte à Tamanoir sa crainte, vu ce qu'il a deviné dans le regard de Gros Jaguar.

- J'ai une idée. dit Tamanoir.

Et Petit Lièvre retourne chez lui avec une énorme descente de lit.

- Elle est belle ma petite descente de lit ? dit Petit Lièvre.

- Petite ? Mais elle est 3 fois plus grande que moi.

- Peut-être, mais elle est 3 fois plus petite que celle du jaguar que j'ai chassé l'autre jour!

- Cha.... Cha... Chassé ???? bégaye Gros Jaguar.

- Bien sûr, tu chasses bien les lièvres, je ne vois pas pourquoi je ne chasserais pas les jaguars !!!

A ces mots, Gros Jaguar, mort de peur, prend ses jambes à son cou et file à l'autre bout de la forêt. Pendant plusieurs jours, Petit Lièvre attend le retour de Gros Jaguar.... Qui ne vient pas.
Tranquillisé, Petit Lièvre pend la crémaillère de sa maison et raconte l'histoire à ses amis qui en rentrant chez eux s'empressent de tout raconter à leurs amis. Quelques jours après, l'écho arrive aux oreilles de Gros Jaguar qui comprend qu'il a été trompé. Il cherche comment faire pour se venger. Les mois passent, les chaleurs arrivent et assèchent les rivières. Gros Jaguar s'installe près de la source d'eau et attend que Petit Lièvre vienne y boire. Mais Dame Tortue prévient Petit Lièvre que Gros Jaguar le guette. Après plusieurs jours de réflexion, Petit Lièvre trouve le moyen de tromper la vigilance de Gros Jaguar. Il grignote un vieux pin, s'enduit jusqu'aux oreilles de résine, se roule dans les feuilles sèches et se rend ainsi, méconnaissable, à la rivière. Gros Jaguar qui n'a jamais vu un tel animal demande d'une voix mal assurée :

- Qui es-tu étrange bête ?

- Je suis le rarissime Feuilleron du M'a jamais. Dit Petit Lièvre d'une voix profonde.

- Ah oui! Excuse-moi, je ne t' avais pas reconnu avec ce soleil dans les yeux.

Et Feuilleron boit, boit, boit.

- Oh ! Ce que tu bois !!!! dit Gros Jaguar, inquiet et intrigué.

- Les "Feuilleron" ont un énorme estomac. grogne Petit Lièvre.

Gros Jaguar, prudent, juge qu'il vaut mieux partir. Et ce n'est qu'au retour des pluies que Petit Lièvre se défait de son habit.

- J'étais au M'a jamais. dit-il en racontant l'histoire du rarissime Feuilleron au Tamanoir..... Qui l'a racontée à Tatou...... Qui l'a racontée à Dame Tortue...... Qui l'a racontée au Chevreau..... Qui l'a racontée à Chien Jaune.... Et..... Comme Chien Jaune est mon ami, il me l'a racontée.... Un jour de pluie.....