mercredi 31 mars 2010

LA VOUIVRE


La Vouivre ? Mais, la Vouivre, c'est un serpent, enfin quand je dis un serpent, il ne faut pas s'imaginer une vipère, ou une couleuvre. Non ! Elle est bien plus grande..... Plus grande qu'un homme. Elle a des ailes noires, cent fois plus larges que celles d'une chauve-souris. Et son corps.... Il est comme habillé d'une cotte de mailles en acier et quand elle est en colère, les mailles se mettent à onduler et à jeter des étincelles. Et puis...... Cette bête là n'a qu'un oeil !!!!
Un gros oeil de rubis... Un monstre quoi !!!
Si je l'ai vue? Bien sûr que non ! Mais quand j'étais petit, j'ai connu un vieillard qui avait vu la Vouivre comme je te vois en ce moment.

A l'époque, cet homme etait jeune. Il s'appelait Barberot et habitait une ferme au bord de la rivière, avec sa mère qui était veuve. Ce soir là, il s'en revenait de son travail. Il avait sa masse sur l'épaule et il marchait tranquillement en pensant à sa belle.

En prenant le dernier virage du chemin, il s'approche de la rivière et qu'est-ce qu'il voit ? Une lueur qui semble glisser sur l'eau. Il s'accroupit derrière un buisson et écarquille les yeux. La Vouivre est là..... Elle rampe sur l'eau tout en soufflant du feu. Barberot en a souvent entendu parler et il est sûr de ne pas se tromper, c'est bien la Vouivre !!

Pourtant quelque chose l'intrigue. Il ne voit rien briller sur son front et on lui a toujours dit que la Vouivre pose son oeil sur la berge avant de se baigner et cet oeil est un rubis qui vaut une fortune !! Alors, sans lâcher sa masse, effrayé tout de même, il inspecte le terrain et découvre le joyau : le rubis est encore plus gros qu'il ne pouvait l'imaginer. Barberot est ébloui. Il pense à tout l'or que représente le rubis et qui lui permettrait de faire le mariage dont il rêve.

Mais il sait que la Vouivre est à l'affût. D'autres ont tenté l'aventure et ils ont tous été dévorés par la Vouivre. Il avance un peu et voit une grosse vipère lovée à côté du rubis. Se croyant très malin, il se dit que sans son oeil la Vouivre ne doit pas voir grand-chose et qu'elle aura bien du mal à le poursuivre. Donc, s'il tue la vipère, il n'aura plus qu'à filer... Il quitte ses chaussures pour être plus léger, tient fermement sa masse et avance sans bruit pour assener au reptile un coup à assommer un boeuf. Il attrape le rubis et se met à courir en direction du village. C'est la Vouivre qui a des ailes, mais c'est Barberot qui pour l'instant semble voler.

Il a mis le rubis dans sa chemise tout contre sa poitrine, il le sent sur sa peau, aussi froid qu'un morceau de glace. Soudain, un sifflement part de la rivière, un sifflement comme jamais il n'en a entendu. Un vent chaud lui arrive dans le dos et le rubis commence à tiédir. La Vouivre est à ses trousses, mais le village est si proche...... Si proche..... Il essaie de courir plus vite, mais le rubis se met à lui brûler la poitrine et voilà que des reptiles sortent des haies. Barberot essaie bien de les enjamber, mais une vipère lui mord le talon. Et le sifflement..... se rapproche et le vent se fait plus brûlant. Quant au rubis, il est comme un charbon ardent qui lui dévore la peau.

Alors, se sentant perdu, le pauvre garçon ouvre sa chemise et laisse rouler sur le pré, la pierre précieuse.

Aussitôt, le sifflement s'apaise, le vent redevient frais et les serpents disparaissent. Tant bien que mal, Barberot regagne sa maison. Pour le soigner, le forgeron qui est un peu guérisseur pose sur ses plaies des emplâtres faits de limaille de fer

Au village, on a bien du mal à croire que Barberot a rencontré la Vouivre, mais ses blessures sont là. Et le lendemain, près de ses chaussures et de sa masse qui pèse encore sur la vipère, on voit une trace sur le sable..... Qui ne peut être que celle du monstre.

Alors, si un jour, tu rencontres la Vouivre, je te conseille de passer au large sans trop..... regarder le rubis......

dimanche 28 mars 2010

LES ETOILES DE MER

Une nuit, en bord de mer, il y eut une grande tempête.
La mer se démontait
, les vagues atteignaient des hauteurs insoupçonnées et les hommes étaient tous chez eux, à l'abri.

Au petit matin, la mer s'étant calmée, une vieille dame qui, comme à son habitude, se promenait sur la plage, constata que le rivage était recouvert d'étoiles de mer, échouées là, par la tempête.

En continuant sa marche, elle vit un petit garçon au loin. S'approchant de lui, elle se rendit compte qu'il prenait les étoiles de mer, une par une, et qu'il les lançait de toutes ses forces vers le large.

-" Mais, qu'est-ce que tu fais ? Il y en a tellement, tu ne pourras jamais toutes les sauver ! ça ne change rien !!!"

Le petit garçon leva les yeux vers elle, et, tout en fixant son regard sur le sien, saisit une autre étoile de mer et la lança très, très loin, le plus fort qu'il pût, dans la mer.

-" Toutes ? Non, mais pour celle-ci, ça change tout !"

samedi 13 mars 2010

LES KORRIGANS ET LES DEUX BOSSUS




Dans un petit village vivaient deux bossus. Pierre et Michel, tailleurs de leur état, étaient amis d'enfance. Chaque jour, ils partaient chercher du travail dans les villages, les fermes et châteaux de la région. Un soir que Michel rentrait seul, d'une longue journée de travail, il passa devant un château abandonné.

D'un naturel curieux, il décida de visiter la ruine. Il se promena de longues minutes dans les anciennes salles du bâtiment, qui laissaient encore apercevoir les splendeurs du passé. Le soleil s'était couché depuis longtemps et, à la lueur de la lune, il se dirigea vers le donjon de la bâtisse. Au moment d'en franchir la porte, il entendit des chants. Il se glissa discrètement dans la pièce pour voir d'où ils venaient.. Dans une petite cour en contrebas, il aperçut des dizaines de petits lutins qui chantaient en tournant en rond, encore et encore, ne reprenant qu'à peine leur souffle :

-" Lundi, mardi, mercredi, lundi, mardi, mercredi."

Michel avait entendu parler des Danseurs de la Nuit. Sa Grand-mère le menaçait lorsqu'il était petit de le laisser aux Danseurs quand il n'était pas sage. Pendant qu'il essayait de trouver le moyen de s'approcher des lutins, il les entendait chanter sans arrêt leur ritournelle :

-" Lundi, mardi, mercredi, lundi, mardi, mercredi." Et jamais rien d'autre.

En bas d'un escalier en colimaçon, il trouva une autre porte. En l'ouvrant, elle émit un grincement si puissant, que les lutins sursautèrent et le chant s'arrêta net.
En quelques secondes, il se sentit soulevé et transporté au milieu de la cour où les lutins le laissèrent tomber à terre. En cet instant, il fut pris de panique, il ne pensait pas les approcher de si près. Et les lutins recommencèrent leur danse autours de lui en chantant :

-" Lundi, mardi, mercredi, lundi, mardi, mercredi."

Ils l'invitèrent à danser avec eux et il n'osa pas refuser. Mais, à force de chanter toujours la même chose, il leur demanda :

-" Mais, pourquoi ne chantez-vous que ces trois mots ?"

-" Que veux-tu que nous chantions d'autre ? Elle est si jolie notre chanson!"

-" Eh bien ! Pourquoi pas : lundi, mardi, mercredi...... Jeudi, vendredi ?"

Les lutins se remirent à danser avec encore plus d'entrain en chantant ces nouvelles paroles :

-" Lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi."

Un lutin, qui semblait être leur chef, arrêta la danse.

-" Pour remercier notre nouvel ami pour ces paroles, je propose que nous lui fassions un cadeau. Que veux-tu mon ami bossu, toutes les richesses dont tu pouvais rêver ou simplement que nous t'ôtions cette vilaine bosse ?."

Michel demanda qu'on lui enlève sa bosse, il avait toujours rêvé de pouvoir se promener sans qu'on la lui touche ou qu'on le montre du doigt. Son voeu fut exaucé et les lutins se remirent à danser et à chanter autours de lui.

La nuit étant bien avancée, Michel salua ses amis et rentra chez lui. Il s'endormit comme une masse et pour la première fois de sa vie.....Sur le dos !!!
Le lendemain, il croisa son ami, Pierre. Celui-ci n'en crut pas ses yeux. Michel lui raconta son incroyable aventure. Pierre décida de se rendre le soir même dans les ruines pensant à toutes les richesses que les lutins allaient lui offrir :

-" Quel idiot ce Michel. Une fois riche, une bosse n'est plus une gêne !!!"

Il se rendit donc au château et se retrouva vite dans la petite cour. Aussitôt, les lutins vinrent autours de lui pour chanter et danser leur nouvelle chanson. Il se mit à danser avec eux et leur proposa d'améliorer leur chanson.
D'un air très sûr de lui, il proposa cette nouvelle suite :

-" Lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi....... Samedi, dimanche."

Les lutins furent tout décontenancés.

-" Elle est toute gâchée, notre chanson, ça ne rime plus."

Les lutins s'énervaient de plus en plus. Leur chef fit le silence.

-" Voyons, voyons, mes amis..... Il a voulu nous aider, même si ses mots furent mal choisis. Remercions-le pour sa gentillesse."

Et les lutins de crier :

-" D'accord, d'accord, que veux-tu pour ton aide, petit bossu ?"

-" Je voudrais ce que Michel a laissé, hier !!"

Les lutins se mirent à crier :

-"La bosse ! La bosse !"

Et le voeu fut exaucé. En quelques secondes, le pauvre Pierre devint bossu devant et derrière. Tout le reste de sa vie, il garda sur le dos sa bosse et celle de Michel sur le ventre.

Ce qu'il advint de l'amitié de Pierre et Michel, l'histoire ne le dit pas. Cependant, il est probable qu'elle fut bien lourde à porter pour Pierre........



jeudi 4 mars 2010

L'HOMME QUI PARLAIT A LA MER


Il y a très longtemps, il y avait déjà la mer, le ciel et la terre. La mer ne changeait pas de place. Chacun avait son domaine. Les poissons nageaient dans la mer, les oiseaux chantaient dans le ciel et les hommes labouraient la terre.

Parmi ces hommes, il y avait un très vieil homme avec des yeux bleus et une barbe argentée. Il ne manquait de rien. Il cultivait du blé et faisait son pain. Grâce à sa vache, il avait du lait et grâce à son verger, il pouvait manger des fruits.

Un jour, le vieil homme a une envie comme tout le monde peut en avoir une. Il a travaillé toute la journée et comme il fait très chaud, il a envie de prendre un bain mais comme la mer est très loin, il ne sait pas comment parler à la mer.

Alors, il se met à fredonner :

Oh mer, toi qui est superbe
J'aimerais tant il fait chaud,
Que tu viennes dans mon herbe
Pour me plonger dans ton eau

Un oiseau passe et entend la chanson ; Il décide de l'emporter jusqu'à la mer. La mer, heureuse d'entendre dire qu'elle est belle remonte sur l'herbe jusqu'aux pieds du vieil homme. L'homme enlève ses vêtements et entre dans la mer. Une fois que le vieil homme s'est bien rafraîchi, il retourne dans son champ et la mer se retire.

Et chaque jour, le vieil homme appelle la mer. Il apprend vite à nager, à pêcher et quand la mer se retire, elle lui laisse toujours quelques crevettes ou des crabes.

Le vieil homme est heureux, mais un jour, il a une autre envie. Il veut découvrir son pays la Normandie et il part avec un bâton et un baluchon. Il parcourt le pays pendant 7 longues années.

Pendant ce temps là, la mer est triste d'avoir perdu son vieil homme. Elle décide de partir à sa recherche. Elle arrive dans la baie du Mont Saint Michel :

- Sable, mon ami, as-tu vu un vieil homme avec les yeux bleus et une barbe argentée ?

- Je n'ai rien vu, mais je suis trempé maintenant.

- Excuse-moi.

- Falaises, n'auriez-vous pas vu un vieil homme aux yeux bleus et à la barbe argentée ?

- Non....Mais arrête.... Tu abîmes nos pierres.

- Excusez-moi.

Et la mer se retire, elle remonte le fleuve la Seine.

- Oh, fleuve, n'aurais-tu pas vu un vieil homme aux yeux bleus et à la barbe argentée ?

- Non, mais sort de mon lit, tu fais déborder mes berges.

Et la mer se retire, elle cherche partout, dans le moindre recoin mais ne trouve pas le vieil homme. Elle devient de plus en plus triste.

Pourtant, un soir, elle voit arriver des milliers d'enfants, des milliers de femmes, des milliers d'hommes et à la tête de ce cortège, devinez qui ?

Le vieil homme aux yeux bleus et à la barbe argentée. Tous sont venus pour voir la mer et ses richesses..

Et voilà pourquoi, à cause, d'une simple envie, l'envie d'un vieil homme aux yeux bleus et à la barbe argentée, la mer a inventé les marées.