mardi 29 mars 2011

LES LIANES

Autrefois, la vie était gaie dans la forêt vierge.
Le jour, elle baignait dans la lumière du soleil. La nuit, la lune et les étoiles l'éclairaient. De grands arbres touffus poussaient partout, leur ombre protégeant les hommes du soleil, leurs vastes frondaisons les mettant à l'abri de la pluie, à la saison humide, lorsque les trombes d'eau tombaient du ciel. Les hommes bénissaient ces grands arbres qui devinrent alors, très arrogants, méprisant les plantes faibles des sous-bois.
Parmi, ces plantes, les lianes étaient les plus faibles. Elles poussaient très vite, mais n'avaient pas assez de force, ce qui les condamnait à ramper sur le sol au lieu de s'élever vers le ciel. Elles étaient la risée de tout le monde. Les grands arbres, quant à eux, les méprisaient au point de ne pas leur adresser la parole.
Un jour, la plus grande et la plus vieille des lianes en eut assez de l'arrogance des grands arbres et leur parla en ces termes :

- Grands arbres, pourquoi nous ignorez-vous ? Pourquoi ne voulez-vous pas nous parler ? Nous sommes les enfants de la même terre et parlons le même langage.

La pauvre liane se fatiguait inutilement. Les grands arbres faisaient semblant de ne pas l'entendre. Sans se décourager, elle continua à les raisonner :

- Nous sommes aussi utiles que vous, nous retenons l'humidité de la saison des pluies et la gardons pour la forêt en attendant la saison sèche. Sans nous, un désert aride s'étendrait à cet endroit. Nous sommes aussi puissantes et importantes que vous !!!

Le plus grand et le plus vieil arbre de la forêt prit alors la parole :

- Je ne crois pas que vous soyez aussi puissantes et importantes que vous le prétendez. Si tel était le cas, pourquoi ne pousseriez-vous pas droit vers le ciel comme font toutes les plantes qui se respectent ???

Il pencha ses branches vers la liane :

- Agrippe-toi si tu es si puissante et forte, et essaie de recourber encore plus mes branches vers le sol !

La liane s'accrocha à la branche. Bien entendu elle ne put la recourber, mais en se redressant, l'arbre la souleva et ne put s'en débarrasser. Les autres lianes s'enroulèrent autour du corps de la vieille liane pour grimper vers le haut, et très vite, tous les arbres et les buissons en furent envahis, gémissant sous leur poids.
Cette masse végétale empêcha les rayons du soleil de pénétrer dans la forêt et depuis ce temps, une obscurité humide et verdâtre ne cessa plus jamais d'y régner.

vendredi 18 mars 2011

LA VALLEE DES PAPILLONS


En ce temps là, la vie coulait paisible sur le village indien.
Parmi les villageois, était une jeune femme qui partageait le tipi familial avec son époux et leur bébé.

Un matin de grand silence, la jeune indienne abandonna soudain le tas de glands qu'elle s'apprêtait à piler, glissa sur son dos l'enfant qui rampait à ses côtés, noua à sa ceinture un tablier d'écorces de saule et s'en vint sur la prairie immense..... Le soleil étincelait et le ciel sur les collines semblait plus bleu. Elle posa le bébé et se mit à cueillir les grains sauvages des hautes graminées.

Un papillon vint se poser devant sa main. Il agitait lentement ses ailes d'une beauté à couper le souffle, des couleurs d'une délicatesse, d'une harmonie sans pareil. Elle approcha doucement la main. Le papillon alla se poser plus loin. Elle s'approcha, elle brûlait de s'en saisir. D'un coup d'aile, le papillon était à la basse branche d'un chêne.

Un battement d'aile entraînait l'autre, pour la jeune femme un pas s'enchaînait sur un autre.

A chaque instant, elle croyait tenir le bel insecte. Et, chaque fois, le papillon de rêve se retrouvait à dix pas.

Fascinée, subjuguée, elle suivit à petits bonds l'inapprochable papillon. Le soleil grimpa dans le ciel, il atteignit son zénith, il rougit à l'horizon, elle suivait toujours le papillon qui toujours, restait à portée du désir, se dérobant sans cesse devant ses doigts.

Mari, enfant, parents, village, elle avait tout oublié pour suivre encore et encore le fabuleux papillon.

Au crépuscule, si loin de son bébé, de son époux, de son tipi, elle ferma les paupières en essayant une dernière fois de saisir les ailes de lumière. Le papillon merveilleux dansait encore devant ses cils lorsqu'une main très douce caressa son épaule. C'était l'aube, le soleil séchait la merveilleuse parure d'un homme beau à pleurer.

- Je suis le papillon que tu as voulu saisir hier, avec tant de force. Me voici.

La jeune femme resta sans voix, fascinée, émerveillée.

- Si tu me désires toujours autant, femme, alors suis-moi. Nous allons marcher jusque chez moi. Mais, prends garde. Quoiqu'il se passe, mets toujours tes pas dans les miens.

La jeune indienne se leva et mit ses pas dans ceux de l'homme-papillon. Elle avait oublié tout ce qu'elle avait laissé derrière elle.

L'homme-papillon marchait devant elle. Elle avait saisi fermement sa ceinture et marchait dans ses pas. Dans cette vallée radieuse, voletaient des papillons par milliers, comme s'il en pleuvait. Plus délicats les uns que les autres, plus doux, plus légers, plus nombreux peu à peu que les grains de sable des rivières.

La jeune femme regardait, silencieuse, ébahie, les yeux virevoltants de l'un à l'autre. Les voici qui frôlent ses épaules, ses joues, le soleil dansant sur leurs ailes, les irisant de velours.

La marche de la jeune indienne devenait hésitante. De voir cette multitude, ce foisonnement d'ailes enchantées, sa main se tendait pour saisir une fois..... deux fois, son autre main...... une fois, deux fois...... Cet autre encore, si beau, trop beau...... et celui-ci...... Elle se mit à courir, à sauter, encore et encore au milieu de ce jaillissement de pétales soyeux.

Elle avait quitté les pas de l'homme-papillon. Elle se retrouva seule au milieu d'un tourbillon de couleurs, perdue dans la vallée des papillons.

On raconte, que dans cette merveilleuse vallée des papillons, de temps à autre lorsqu'on s'y promène, on croise une jeune femme, courant après de magnifiques papillons.

Ne vous étonnez pas, elle ne vous voit pas......... Elle ne vous entend pas......

mercredi 9 mars 2011

MAHURA, LA FILLE QUI TRAVAILLAIT TROP



En ce temps là, le Ciel vivait sur la Terre.

Ses fils, les nuages, tourbillonnaient et roulaient au ras du sol, s'accrochant aux branches d'acacias.

Sa fille, la Pluie, adorait arroser le monde du haut des grands palmiers, et son plus grand plaisir était de se mêler aux eaux joyeuses des fleuves.

D'ailleurs, en bons voisins, le Ciel et la Terre se rendaient de menus services.

Par exemple, quand la sècheresse sévissait, le Terre s'adressait directement au Ciel pour arroser ses champs et abreuver ses bêtes. Et le Ciel lui envoyait sa fille, la Pluie.

Mais un jour, la Terre eut une fille, Mahura...

Aussi intelligente que belle et très attachée à sa mère, Mahura sortait son grand mortier de la case maternelle et pilait, écrasait, broyait les grains de mil et les racines de manioc.

Elle pilait, pilait, inlassablement.

Mais le pilon était long, si long, que chaque fois qu'elle le soulevait, il venait cogner douloureusement le front du Ciel.

- Oh ! Pardon, Ciel ! s'excusait-elle. Veux-tu te pousser un peu ? Je n'ai pas assez de place pour mon pilon.

Et le Ciel, maugréant et se frottant la bosse qu'il avait sur le front, se haussait un peu.

Mahura poursuivait sa besogne. Un, deux, trois coups de pilon !

- Ah ! Pardon, Ciel ! s'exclamait la jolie fille tout à son ouvrage. Pousse-toi encore veux-tu ?

Et le Ciel de se hausser encore, aussi furieux qu'embarrassé. Que faire, en effet, contre une fille qui travaille avec tant d'ardeur ?

Mahura, quant à elle, pilait toujours. Et plus elle pilait, plus le pilon s'allongeait, s'allongeait et heurtait le Ciel qui s'éloignait chaque soir un peu plus, emportant avec lui ses fils, les Nuages facétieux, et sa fille, la Pluie qui pleurait..... Qui pleurait....

Tous les jours, la même scène se renouvelait. Il n'en pouvait vraiment plus, le Ciel !!! Son front était tout bosselé et tuméfié par le pilon de Mahura.

Un soir, il résolu d'en finir. Il venait de recevoir tant de coups, qu'il se fâcha !

- Ah, tenez, je vous abandonne ! Prenez-la donc, votre Terre et gardez-la pour vous !!! Là où je vais, foi de Ciel, jamais pilon ne m'atteindra !! Adieu !!!

Rappelant alors à lui les myriades de petits nuages et la Pluie, désolée d'abandonner fleuves et marigots, le Ciel s'en alla si haut, si haut, que la Terre s'en inquiéta.... Et, s'il allait à disparaître ????

Mahura, elle, resta près de sa mère, avec son pilon, ses mortiers et ses grains.

Un jour pourtant, le Ciel lui manqua. Les nuages la saluaient de trop loin à présent, et la jolie Pluie n'avait plus aucune conversation tant elle était fatiguée de tomber de si haut.

Alors, Mahura voulut se faire pardonner.

Dans l'eau de fleuve, elle trouva une énorme pépite d'or et au fond d'une caverne, elle ramassa un beau caillou d'argent.

A la pépite, elle donna le nom de Soleil, et au caillou celui de Lune. Puis, elle les expédia, tout là-haut avec des messages d'amitié pour le Ciel.

Mais le Ciel, lui, ne revint jamais sur Terre.