dimanche 15 avril 2012

LE LOUP BLANC


Il était une fois un homme qui avait trois filles. Un jour il leur dit qu'il allait faire un voyage.

- Que me rapporteras-tu ? demanda l'aînée.

- Ce que tu voudras.

- Eh bien ! Rapporte-moi une belle robe !

- Et toi, que veux tu ? demanda le père à la cadette.

- Je voudrais aussi une robe.

- Et toi, mon enfant ? dit-il à la plus jeune, celle des trois qu'il aimait le mieux.

- Je ne désire rien. Répondit-elle.

- Comment, rien !

- Non, mon père, rien.

- Je dois rapporter quelque chose à tes soeurs, je ne veux pas que tu sois la seule qui n'ait rien.

- Eh bien......je voudrais avoir...... la rose qui parle.

- La rose qui parle ? s'écria le père. Où pourrai-je la trouver ?

- Si tu dois me rapporter quelque chose... c'est cette rose que je veux ; ne reviens pas sans l'avoir.

Le père se mit en route. Il n'eut pas de peine à se procurer de belles robes pour ses filles aînées; mais, partout où il s'informa de la rose qui parle, on lui dit qu'il voulait rire et qu'il n'y avait au monde rien de semblable.

- Pourtant, disait le père, si cette rose n'existait pas, comment ma fille me l'aurait demandée ?

Enfin il arriva un jour devant un beau château, d'où sortait un murmure de voix ; il prêta l'oreille et entendit qu'on parlait et qu'on chantait. Après avoir fait plusieurs fois le tour du château sans en trouver l'entrée, il finit par découvrir une porte et entra dans la cour au milieu de laquelle était un rosier couvert de roses ; c'étaient ces roses qu'il avait entendues parler et chanter.

- Enfin, dit-il, j'ai donc trouvé la rose qui parle !

Et il s'empressa de cueillir une des roses.

Aussitôt un loup blanc s'élança sur lui en criant :

- Qui t'a permis d'entrer dans mon château et de cueillir mes roses ? Tu seras puni de mort : tous ceux qui pénètrent ici doivent mourir.

- Laissez-moi partir, dit le pauvre homme, je vais vous rendre la rose qui parle.

-Non, dit le loup, tu mourras.

-Hélas, dit l'homme, que je suis malheureux ! Ma fille me demande de lui rapporter la rose qui parle, et, quand enfin je l'ai trouvée, il faut mourir !

- Ecoute, reprit le loup blanc, je te fais grâce, et, de plus, je te permets de garder la rose, mais à une condition : c'est que tu m'amèneras la première personne que tu rencontreras chez toi.

Le pauvre homme le promit et reprit le chemin de son pays. La première personne qu'il vit en rentrant chez lui, ce fut sa plus jeune fille.

- Ah ! Ma fille, dit-il, quel triste voyage !

- Est-ce que vous n'avez pas trouvé la rose qui parle ? lui demanda-t-elle.

- Je l'ai trouvée, mais pour mon malheur. C'est dans le château d'un loup blanc que je l'ai cueillie. Il faut que je meure.

- Non ! dit-elle. Je ne veux pas que vous mouriez. Je mourrai plutôt pour vous.

Et elle lui répéta tant et tant de fois qu'enfin il lui dit :

- Eh bien ! ma fille, apprends ce que je voulais te cacher. J'ai promis au loup blanc de lui amener la première personne que je rencontrerais en rentrant dans ma maison. C'est à cette condition qu'il m'a laissé la vie.

- Mon père, dit-elle, je suis prête à partir.

Le père prit donc avec elle le chemin du château. Après plusieurs jours de marche, ils y arrivèrent sur le soir, et le loup blanc ne tarda pas à apparaître. L'homme lui dit :

- Voici la personne que j'ai rencontré la première en rentrant chez moi. C'est ma fille, celle qui avait demandé la rose qui parle.

- Je ne vous ferai point de mal, dit le loup blanc ; mais il faut que vous ne disiez à personne rien de ce que vous aurez vu ou entendu. Ce château appartient à des fées ; nous tous qui y habitons sommes enchantés ; moi, je suis condamné à être un loup blanc pendant le jour. Si vous gardez le secret vous vous en trouverez bien.

La jeune fille et le père entrèrent dans une chambre où un bon repas était servi ; ils se mirent à table, et bientôt, la nuit étant venue, ils virent entrer un beau seigneur : c'était le même qui s'était montré sous la forme du loup blanc.

- Vous voyez, leur dit-il, ce qui est écrit sur cette table ? Ici on ne parle pas.

Ils promirent encore une fois tous les deux de ne rien dire. La jeune fille s'était retirée depuis quelques temps dans sa chambre, lorsqu'elle vit entrer le beau seigneur. Elle fut bien effrayée et poussa de grands cris. Il la rassura et lui dit que, si elle suivait ses recommandations, il l'épouserait, qu'elle serait reine et que le château lui appartiendrait. Le lendemain il reprit la forme du loup blanc, et la pauvre enfant pleurait en entendant ses hurlements.

Après avoir encore passé la nuit suivante au château, le père s'en retourna chez lui. La jeune fille resta au château et ne tarda pas à s'y plaire : elle y trouvait tout ce qu'elle pouvait désirer ; elle entendait tous les jours des concerts de musique ; rien n'était oublié pour la divertir.

Cependant sa mère et ses soeurs étaient dans une grande inquiétude. Elles se disaient :

- Où est notre pauvre enfant ?

- Où est notre soeur ?

Le père, à son retour, ne voulut d'abord rien dire de ce qui s'était passé ; à la fin pourtant il céda à leurs instances et leur apprit où il avait laissé sa fille.

L'une des deux aînées se rendit auprès de sa soeur et lui demanda ce qui lui était arrivé. La jeune fille résista longtemps ; mais sa soeur la pressa tant, qu'elle lui révéla son secret.

Aussitôt on entendit des hurlements affreux. La jeune fille se leva, épouvantée. A peine était-elle sortie, que le loup blanc vint mourir à ses pieds. Elle comprit alors sa faute ; mais il était trop tard, et elle fut malheureuse tout le restant de sa vie.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire